Ma souffrance, mon corps, mon malheur

Double "moi"



Triste cela fut ! Me voilà à nouveau dans cette impasse...celle où il y a mon esprit d'un côté et mon corps d'un autre.

Toutes les nuits, depuis que je suis sous Keppral, je dors et rêve...oui, rêver car je ne cauchemarde pas. Je suis un être normal, sans distinction...mais au moment d'accomplir ce fameux geste qui me différencie des autres jours, il sonne 04h00...aujourd'hui précisément 04h03...

Maryse est étendue à côté de moi. Je la regarde dormir, d'un sommeil paisible et me questionne en l'espace temps d'une minute des centaines de questions : Va t-elle toujours m'aimer, me désirer le crâne chauve et cicatrisé ? Va t-elle aimer le fait de toucher mon torse en y sachant des boîtiers sous la peau ? Va t'elle m'aimer après cette éventuelle opération ? Et si j'en meurs, qui aimera-t-elle à nouveau ?

Il faut que je me lève...un collègue de travail vient me chercher à 04h20 devant la Fleuriste...on fait du covoiturage.
J'enfile mon pantalon jean bleu délavé...un tee shirt noir à manches longues et un pull bleu. Je me mouille le visage d'eau fraîche, je secoue légèrement la tête, me peigne.

J'ouvre délicatement le porte d'entrée...il pleut. Je prends les clés sur le bureau et je referme derrière moi, sans un bruit...pour ne pas réveiller Maryse et les filles.

Laurent arrive à 04h22...nous nous faisons la bise...je me précipite au chaud dans la voiture. Il y a de la musique...c'est bon et agréable...elle nous laisse imaginer des pages entières d'histoire.
Sa femme nous suit. Nous nous séparons, avec sa femme sur le chemin.

J'arrive au magasin, il est 04h52...il fait froid et humide...mon brave Laurent est de Picardie...un temps de chez lui !
Je monte, file aux vestiaires, ouvre mon casier...je mets ma veste rouge avec mon badge "Hermann, apprenti manageur".
Je descends les escaliers en métal...qui font un bruit de vide sous mes pieds.

Le froid s'empare de moi...déjà du monde dans les rayons, je salue tout le monde.
Puis commence mon travail. Il me plaît...je me sens bien et vivant.

Comme une raideur se présente au sein de mon cou...je préviens une collègue discrètement en lui signalant que quelque chose d'anormal se passe.
Je m'assois....je commence ma sophrologie...ça y est, mon corps se révolte, il me le fait savoir mais têtu, je veux lui résister. Je suis trop prêt du rayon, ma tête se heurte derrière à plusieurs reprises.
Je m'assois alors par terre...et là, c'est autour de mes jambes ! Elles me cèdent aussi par des tics involontaires et je me prends le rolls en feraille.

Je souffre...mon visage montre ma douleur...les larmes me montent.

Alors deux de mes collègues me portent à l'écart et m'allongent au sol même. L'un me maintient la tête. Mais mon corps décide de montrer sa rage, sa colère...mon dos se cambre.
Contre ma volonté, ils appellent les pompiers...me voilà gigotant sur un brancard comme si on voulait m'exorciser.

06h40...j'arrive aux urgences...le corps lourd...fatigué...mais toujours bougeant dans tous les sens.
On me reconnaît...on me plaint...on me regarde...mais on ne sait pas comment me soulager.
Alors une injection après pose de cathéter de rivotril semble une solution.
Je suis à jeun...lassé...

Je m'endors...mon corps m'octroie ce répit de courte durée...on me dépose un bol de lait chaud...je le regarde...le contemple comme quand on regarde au loin une colline. Je ne peux le boire...je vais le renverser...je ne sais pas tenir un bol...comment fait on pour ne pas en faire déborder ? Comment boit-on ?

J'interpelle une aide soignante, sollicitant son aide..."Vous ne savez pas boire ?" "Non, je ne sais pas"
"Comment cela vous ne savez pas ?" "J'ai des tics, des mouvements incontrôlés" "Comment cela des tics ?" et pendant ce questionnaire...le bol est devant moi...je ne peux toujours pas le boire.
L'aide soignante en bonne dame, me propose un morceau de tuyau d'oxygène en guise de paille. Il est encore tiède...cela est agréable.

Puis, en suit un EEG...la visite de mon neurologue qui doit partir à 10h30 à Paris.
Il augmente mon traitement mais d'après lui, je ne réagis pas trop au traitement...puis, il pense que l'attente du diagnostic joue sur mon stress et celui ci sur mon corps.

Je rentre chez moi vers 13h30... ma mère a eu la délicatesse de venir me chercher.
Mes enfants sont chez mes beaux parents et je rumine cette journée sans cesse et ces questions obsédantes.

Il est tard...le sommeil m'emporte...mes enfants dorment...j'attends le retour de Maryse, elle termine à 22h00...longue journée.